L'éducation aux médias, une course de fond

Comme les mimosas en février, les marronniers en automne, au mois de mars, médias, enseignants, élèves et parents savent que durant une semaine la France sanctifie le rendez-vous annuel entre presse, médias et écoles. Ce rituel est rassurant. Pratiquement tout à été analysé, dit, formulé, écrit sur le travail mené entre le corps enseignant et les médias.

Il faut pourtant poursuivre cette course de fond car plus on forme aux médias, plus on donne de l’autonomie, plus on amplifie la possibilité d’une emprise sur la société.

 

Déjà l’Europe propose une charte et des démarches pour que les enfants, élèves, lycéens, étudiants soient au fait des questions relatives à l’information pour tous. Il y a presque quatre décennies, femmes et hommes d’un CRDP en Aquitaine et d’une structure régionale de la Ligue française de l’enseignement et de l’éducation populaire proposaient déjà des actions éducatives autour de la culture et de la communication audiovisuelle. Certains étaient visionnaires. Je pense à René Laborderie et Claude Clastres.

Avec des équipes pédagogiques dans et hors l’école, ils prenaient le temps de faire comprendre les signes, les codes et les contenus du cinéma culturel et de la télévision conquérante. Les écrans de grande taille étaient déjà dans quelques classes à coté des tableaux noirs, les démarches décontractées et les débats assez décoiffant.

Certaines idées furent, plus tard, reprises au sein de l’institution scolaire. Ce qui me parait fort intéressant fût le travail mené auprès de plusieurs dizaines de lycéens quelques années plus tard pour connaître qu’elles furent les conséquences culturelles, sociales et professionnelles de ces moments d’initiation à la culture audiovisuelle.

Quelle ne fût pas la surprise des professeurs en découvrant qu’une forte majorité d’ « anciens » lycéens étaient journalistes, pigistes, caméramans, animateurs radio et télévisions ou directeurs de médias. Bref une majorité de formés à l’image, à l’information, aux médias en étaient devenus les professionnels.

 

L’objectif principal était de rendre les personnes autonomes et critiques devant la multiplication des images. Son application a agit aussi comme révélateur d’un monde de la communication en construction, agréable et porteur d’emploi.

 

Je ne suis pas sûr que cette dimension de l’éducation à l’image ait été anticipée, mais elle illustre la nécessité de prendre en compte les interrelations entre l’école et la société.

 

Les images entraient dans le lieu sacré de la connaissance, les dompter permettait de les dominer mais elles fécondaient en parallèle l’insertion des futurs professionnels. L’école jouait bien son rôle d’intégrateur.

Le système médiatique des années soixante dix, celles du siècle dernier, était déjà suffisamment organisé, objectivement idéologique et structurant pour se développer en absorbant toutes les démarches sociétales mêmes pédagogiques.

Cela ne remet absolument pas en cause le travail des premiers « maitres de l’éducation aux médias ». Il doit nous servir aujourd’hui.

 

En ce mois de mars 2011, nous pouvons parler d’un écosystème planétaire numérique intégrant l’ensemble des champs de notre société où les informations, je devrais dire plus justement les données - écrites, sonores, visuelles - organisent nos vies d’une façon de plus en plus précise, ciblée et individuelle, et ce, dans toutes les dimensions éducatives, sociales, culturelles, environnementales, économiques.

Aborder une sensibilisation à la presse et aux médias c’est aborder de face la problématique d’une communauté d’individus confrontée à un conglomérat d’informations brutes ou structurées qui « organisent » nos rapports avec notre environnement, nos amis, nos parents, nos voisins, nos objets, nos comportements, immédiats ou lointains.

 

Bien entendu il faut traiter des médias dit traditionnels et d’ailleurs, certains sont tout à fait en phase avec l’information numérique d’aujourd’hui, mais également des sites d’informations déjà anciens, sinon caducs, des sites agrégateurs de data journalisme, des sites de vie collective, de santé, de commerce, de jeux, de rencontres immatérielles, et traiter des réseaux sociaux des plus anciens à ceux qui émergent aujourd’hui.

 

Bien entendu il faut traiter des comportements de nos concitoyens avec leurs téléphones, leurs ordinateurs, leurs ardoises tactiles, leurs objets intelligents, j‘allais écrire leurs doudous numériques nomades et surtout entendre et comprendre leurs demandes qu’elles soient strictement individuelles ou collectives. En effet le groupe, la communauté, le projet commun ne sont pas morts.

 

Bien entendu il faut traiter des relations entre les journalistes, patron de médias et les citoyens numériques ou parfois néo journalistes que nous sommes devenus, migrants ou natifs de cet univers devenu quotidien.

C’est en tenant compte de cette articulation que nous pourrons parler des valeurs, des principes, des réalités, des limites et des attitudes que nous pouvons choisir pour rester maitre de ce monde en évolution très rapide.

 

L’intelligence qui existe de plus en plus au bout de nos doigts pour travailler et s’éduquer avec les écrans tactiles, bientôt sans aucun contact, est au cœur des enjeux de l’éducation.

Elle révolutionne le rapport à la connaissance et aux savoirs, donc à l’insertion dans la société du mieux être.

 

La course de fond devant le flux continuel en évolution de la formation aux médias doit se dérouler avec la conscience qu’être « professeur » de notre société c’est manier des données partagées par le plus grand nombre, hors hiérarchie et valeurs et qu’il faut donc être aussi veilleur, acteur, référant : médiateur et structurant.

 

Une question : comment forme t’on les enseignants à l’éducation aux nouveaux médias ?

 

Marcel Desvergne