Les processus de collaboration au sein d'une communauté informelle de citoyens

L’An@é, co-fondatrice et coordinatrice de l’édition du site educavox.fr a été amenée à s’interroger sur l’approche collaborative du site par l’intervention sollicitée dans le cadre des journées de l’Orme 2011.

 

Le sujet général: « Communiquer, collaborer, pour apprendre ? »,  la question posée pour la table ronde  « L’utilisation des outils de collaboration favorise-t-elle l’efficacité du fonctionnement des organisations ? », et pour Michelle Laurissergues, présidente de l’An@é invitée à y participer :  « Les processus de collaboration au sein d'une communauté informelle de citoyens»

 

L’An@é (www.acteurs-ecoles.fr) anime depuis 1996 une communauté d’acteurs au niveau de l’éducation, majoritairement des enseignants de la maternelle au lycée, bénéficie de l’apport de réflexion d’un conseil scientifique, possède un conseil d’administration,  publie un site avec des ressources, des expériences, des actualités sélectionnées, des articles de blog.  Elle organise des rencontres annuelles en partenariat avec de nombreux secteurs de l’éducation afin d’actualiser ses approches de l’éducation dans le cadre d’une société en évolution.

Je qualifierai ce site de coopératif, partiellement collaboratif et à usage d’une communauté qui peut échanger, y trouver des ressources actualisées et relativement organisées.

L’An@é a fondé en janvier 2011 avec Joël De Rosnay et des partenaires fondateurs, privés, publics et associatifs un site plus collaboratif, Educavox, (www.educavox.fr)  axé sur les débats d’actualité sur l’éducation,  centré sur l’innovation et la créativité du tissu éducatif. Il s’ajoute à la série des « vox » Agoravox notamment crée en 2005 par Joël de Rosnay et Carlo Revelli.

¢  Il s’inscrit dans une pratique de web2.0 et s’adresse à un public plus large,  enseignant, étudiant, parents ou élus. Une large place est ouverte pour le débat à une échelle qui souhaite dépasser les frontières nationales. Chacun peut être auteur, contributeur, diffuseur. Là,  l’auteur place en perspective son projet avec la globalité du système : avec quoi et avec qui je suis en relation dans mon engagement ? Que puis-je apporter aux autres ? Comment aller plus loin ? Nous voyons déjà, ainsi posé,  la complexité et les fragilités inhérentes au système.

Voici donc quelques réflexions issues des pratiques collaboratives mises en place et qui nous l’espérons contribueront à la réflexion d’autres acteurs qui participent à l’aventure et donc à produire de l’intelligence collective. 

De quelques objectifs opérationnels et de contraintes liées…

¢  Promouvoir, dynamiser et organiser les mouvements et les volontés qui émergent d’un groupe déterminé. Il s’agit de cibler les publics.

Mais les cible-t-on vraiment sur le web ? Et comment ? C’est en faisant un accueil aux paroles des publics ciblés et cela nécessite une diffusion d’informations afin que ces publics s’en emparent.

¢  Identifier les acquis et les besoins d’un système. Le principe collaboratif donne la parole à tous, décideurs ou usagers, la vitrine positive que démontrent souvent les sites institutionnels peut être ainsi compensée par les paroles d’usagers.

 Il s’agit cependant de bien identifier les besoins d’un public ciblé si on souhaite faire partie de la sphère influente du web.

¢  Augmenter la mise en relation des groupes et la diffusion de l’information.

Cette nécessité est très grande aujourd’hui car d’une part la somme des « gazouillis » se transforme en bruits inaudibles et d’autre part, celui qui n’existe pas sur le web, d’une manière ouverte et soutenue par des réseaux, n’a aucune possibilité d’être entendu.

¢  Permettre de révéler un potentiel innovant. C’est un des objectifs forts ciblé par EducaVox et l’An@é.

En éducation, aucune situation ne parait achever puisque l’acte éducatif ou la création  réalisée sont un processus en soi et jamais des « produits finis »d’où la réserve, la pudeur des enseignants ou des élèves qui n’arrivent pas toujours à « s’exposer ». Il faut donc rassurer, accueillir, inciter.

 De quelques principes du mode collaboratif …

¢  Les membres et usagers communiquent directement : pas de répartition des rôles  a priori. Cependant, les partenaires de ce projet sont très différents (privés, publics institutionnels ou associatifs). Les publics ciblés étant larges, voilà deux difficultés à résoudre pour EducaVox. Nous avons avancé entre partenaires pendant de longs mois afin d’élaborer un projet commun avec l’élaboration de conventions, la rédaction d’une ligne éditoriale une charte d’utilisation.

¢   L’agrégation des « idées » (ou curation, convergence des deux principales activités sur internet : la recherche et le partage) : en plus de déclencher le partage de connaissances et d'expertise, les agrégations de blogs permettent l'articulation et l'organisation des idées, développent et maintiennent les expertises. (dernier (ou presque dernier) en date faveous). Cela requiert des expertises et des moyens humains qui reposent aujourd’hui entièrement sur du bénévolat.

¢   Les échanges sur les réseaux sociaux : s’entourer de gens connectés et intégrés dans de multiples réseaux. Chacun peut faire bénéficier de ses réseaux et là la différence entre tous les partenaires est une richesse.

¢  L’interactivité (chats, échanges instantanés, réactions…) e ce qui concerne les chats et réactions, le choix a été d’une modération à priori des articles comme des réactions et l’expérience démontre que nous avions fait le bon choix car de très nombreux commentaires n’apportent aucune réflexion constructive et peuvent être des spams. La charge de travail de modération peut est partagée entre plusieurs personnes et plus il y a à modérer plus on requiert de personnes (volontaires et bénévoles)

De l’intelligence collective…

Qu’entend-on généralement par “intelligence collective” ?

 Pour le monde du web, c’est le produit émergent de l’interaction entre plusieurs milliers, ou millions d’individus, partageant avec les autres des quantités de réflexion et informations. C’est le web lui-même qui est le média de choix de cette intelligence collective.

¢  Les contenus : les internautes trient, sélectionnent les contenus qu’ils jugent intéressants pour les partager, créant ainsi une forme d’intelligence collective. Cependant, une ligne éditoriale, les objectifs et les analyses des visites nous permettent de rétablir des équilibres dans les publications, les envois vers les réseaux, la sollicitation de nouveaux auteurs.

La gestion d’un site fut-il collaboratif, requiert obligatoirement des compétences instrumentales  au niveau de la manipulation du matériel et des logiciels des choix d’outils (automatiques et humains), des compétences informationnelles car il s’agit de chercher, sélectionner, comprendre, évaluer, traiter l’information, d’assurer une veille et la « curation »(recherche et partage), des compétences de mise en œuvre de stratégies : identité, réactivité, anticipation, stratégie relationnelle (réseaux) et événementielle (créer les événements)

¢  L’influence : crédibilité et éthique sont indispensables.

La question de l’auto régulation, de la  charte, de la ligne éditoriale se posent également au sein d’uncomité scientifique et ne se diffusent par les réseaux que si les contenus sont crédibles et utiles.

 

En conclusion sur les  conditions d’une efficacité (relative)

Nous avons identifié quelques points incontournables à la mise en place d’un site ou d’un réseau collaboratif :

¢  La sélection des outils techniques

¢  La sélection des sources : recherche d’experts blogueurs, documentalistes, journalistes, usagers et création d’événements  et faire des choix humains et subjectifs (recherche experte) ou (et) automatisés (critères de popularité du lien, l’autorité de la source)

¢  Les moyens d'élargir la participation collaborative (tout aussi important que les services du réseautage social)

¢  La visibilité d’une identité (se situer dans un réseau de réseaux) choisir une ligne éditoriale claire

¢  Le partage par la prise en compte des médias sociaux (la force des médias relationnels, la confiance qu’on peut avoir dans les communautés choisies font que les informations s’échangent…)

¢  L’analyse de l’impact, mesure du  niveau d'expertise et d'influence.

¢  La coopération et le partage : se situer avec les autres et non en concurrence, publications « Creative Commons »

¢  La diversité des approches et des points de vue donc,  savoir « accueillir » et sortir de sa communauté pour plus d’efficacité.

 

En conclusion sur une approche plus sociétale, allons- nous vers une société apprenante différente ?

¢  Une société plus collaborative ? Les documents sont co-écrits, les agendas sont partagés, les habitudes de travail deviennent collaboratives, les projets sont élaborés par échanges multipliés par le virtuel, les informations sont partagées, modifiées et enrichies sans cesse. Cependant, ces possibilités sont porteuses de fragilités : questions de  fiabilité, d’identité, de modèle économique. La multiplication des données peut inciter à l’éparpillement, aux agglomérats réservés à des communautés évoluant en silos. Cependant, la société élabore sans cesse des contre pouvoirs, des solutions. A chaque fois elle devient plus experte et requiert des attitudes et des compétences toujours plus affinées.  

¢  Alors, le web, une affaire de professionnels ? Le blogueur, simple usager ou commentateur peut-il continuer à exister et à peser dans un monde de plus en plus construit par des outils et par le monde économique? Nous touchons là à des enjeux profonds, le contre pouvoir, l’indépendance, l’impact, l’existence  dans les milieux des pairs, dans  l’institution, dans la sphère des décideurs politiques. D’où la nécessité impérieuse d’amplifier l’éducation aux médias et de la placer au cœur du système éducatif.

Michelle Laurissergues,

m.laurissergues@free.fr              www.acteur-ecoles.fr            www.educavox.fr