La lettre d'informations du 3 janvier 2020

Les clés d'aujourd'hui : Anticipation, données, gouvernance, inclusion, éthique, territoires et robotique

Quels sont les contenus plébiscités sur Educavox en 2019 ? Robotique, cobotique, territoires, inclusion, éthique, données, anticipation, gouvernance, Education aux Médias (Educnum en est un exemple marquant). Les clés de demain par Joël de Rosnay reste notre boussole...Le temps social et temps scolaire sont liés par des pratiques culturelles numériques.  Educavox confirme son identité à travers vos choix et vos lectures.

Il est certain qu’à l’heure où l’on parle de participation citoyenne augmentée, de Civic tech, d’open data et de ville intelligente, l’éducation au numérique du plus grand nombre doit être un objectif prioritaire car elle est garante d’une politique inclusive : tous les citoyens et toutes les citoyennes, y compris et surtout les plus éloigné(e)s du numérique, doivent comprendre les enjeux du numérique s’ils veulent participer à la vie de la cité. »

Le temps social et le temps scolaire sont liés par les pratique sociales et culturelles numériques.

Le numérique, dans les approches éducatives des acteurs de la société, est-il facteur d’inclusion ?

 

Le numérique fait partie des mythes inhérents à chaque nouveauté, il a offert comme à chaque technique nouvelle, l’espoir qu’il pourrait être une solution à nos problèmes dont les problèmes de l’école. Permet-il une meilleure inclusion dans la société ? La société permet-elle une meilleure inclusion dans le monde numérique ?

Les acteurs de la société sont tous concernés et  même confrontés au numérique. Ils sont contraints de se poser des questions, de développer des approches éducatives, du moins informatives, de changer de stratégie pour ne pas exclure ni s’exclure.

Le numérique est un amplificateur à tout point de vue : des bénéfices comme des aspects négatifs.

L’inclusion sociale et économique implique que toute la population soit associée à l’effort d’apprentissage continu exigé par l’évolution permanente des technologies de l’information.

Une rencontre Agir pour l’inclusion numérique, « rencontres professionnelles de la solidarité numérique de Bordeaux » a eu lieu le 28 août 2019 :

Parmi les orientations proposées, nous pouvons citer : l’importance de développer un usage quotidien du numérique, de lutter contre plusieurs formes d’isolement, la réduction des situations de « non accès », la simplification et l’homogénéisation  des langages techniques et administratifs, des procédures de la navigation et de l’iconographie, les actions pour éviter que les personnes ne s’isolent dans une seule interaction avec les réseaux dématérialisés, la recherche de locaux d’accueil disponibles  auprès des institutions et des collectivités locales, la conception d’un écosystème avec le numérique, une cartographie qui permette à chacun de savoir où il doit s’adresser qu’il soit un opérateur ou une personne en difficulté. De nombreuses pistes pour faciliter l’inclusion !

 

Pour autant, les technologies avancent à une vitesse vertigineuse.

A peine avons-nous maitrisé une technique qu’en apparaissent d’autres toujours plus complexes et anxiogènes. Photo numérique, recherches sur Internet, envoi de mels, création et échanges sur des réseaux sociaux, jeux vidéo et achats en ligne, utilisation du GPS…tout ceci semblait facilement accessible.

Mais voilà qu’avec des logiciels et applications nouvelles, certes, on est moins perdu, on a accès à l’info immédiatement quand on en a besoin, on utilise les applis qui nous aident dans de nombreuses situations, on peut avoir accès aux services …Mais on peut aussi être hacké, perdre ses données, on peut être cyberharcelé, suivi, fiché, car avec la géo localisation, il s’agit de captation de données, le fameux Big Data, d’algorithmes et d’Intelligence Artificielle qui permet tout cela aussi…

(Kate Crawford Chercheuse, professeur à l’université de New York, spécialiste de l’étude des implications sociales des systèmes techniques et notamment des effets du Big Data, des algorithmes et de l’Intelligence artificielle) « Nous sommes confrontés à des systèmes techniques d’une puissance sans précédent, qui impactent très rapidement tous les secteurs, de l’éducation à la santé, de l’économie à la justice… Et la transformation en cours est concomitante à la montée de l’autoritarisme et du populisme », ajoute-t-elle !

 

Peut-être, en effet, que le monde ne relève plus des idéologies qui simplifiaient la lecture des relations sociales culturelles et politiques. Nous sommes plongés dans un écosystème anxiogène ! Nous sommes en perte de repères, nous perdons notre illusion de la maitrise, les savoirs encyclopédiques sont de moindre utilité…, les savoirs nécessaires à la vie d’aujourd’hui sont différents…D’ailleurs que devons-nous savoir ? Nous sommes en perte de confiance, car les nouvelles fausses et les manipulations peuvent être partout, les réseaux nous semblent obscurs et peu fiables. C’est la remise en cause des pouvoirs sur lesquels nous avons fondé notre société : pouvoir d’enseigner, pourvoir d’informer, pouvoir de soigner, pouvoir de gouverner…

 

C’est quoi donc, l’Intelligence Artificielle ? C’est à la fois une technologie, une pratique sociale et une infrastructure industrielle

 

Il s’agit de différentes technologies, qui ont beaucoup évolué ces dernières années. Le mot « intelligence » est un piège, notamment parce que l’intelligence artificielle ne fonctionne pas du tout comme la cognition humaine.

Mais surtout, n’est pas qu’une technique. « C’est aussi une pratique sociale qui nécessite de comprendre qui travaille sur ces systèmes, quelles données sont utilisées, comment sont-elles classées…  

Enfin, l’IA, c’est également une industrie particulièrement imbriquée et complexe. Voyons, par exemple ce qu’implique l’usage de la commande vocale Amazon Echo. Derrière l’appareil, nous sommes confrontés à un système de calcul planétaire qui a des impacts nombreux en termes de ressources, de données, de travail… l’IA est aussi une infrastructure industrielle particulièrement concentrée. À chaque fois que nous demandons l’heure à Alexa, nous activons un système en termes de matériaux, de données, de travail… qui a des impacts sociaux, environnementaux, économiques et politiques cachés. 

Et cependant l’IA est aussi comme le suggère Joël De Rosnay une intelligence auxiliaire à qui on peut confier les tâches que nous ne savons pas faire…Mais nous devons garder le pouvoir de décision, et développer, nous les humains, tout ce que la machine ne sait pas faire ... les relations humaines, affectives, celles qui permettent l’inclusion de chacun. Celle d’enseigner par exemple car apprendre se construit dans les relations aux savoirs en interaction avec les autres. »

De grandes innovations sont attendues via le traitement des données en éducation, notamment par l’exploitation des traces numériques d’apprentissage générées par l’utilisation des outils (modélisation des pratiques pour créer un profil individuel par exemple). S’il est clair que la valorisation des données permet des avancées majeures, il est tout aussi indispensable que ces données soient protégées, car ce sont des données personnelles :  identité numérique, performance scolaire, sécurité… Cependant, le cadre proposé est-il aujourd’hui suffisant pour entraîner la confiance des acteurs du système éducatif et de la société ?

 

Entre les valeurs de l’école et leurs principes de mise en œuvre, notre système scolaire est parcouru par de multiples contradictions qui, chacune isolément et a fortiori prises ensemble, compromettent gravement les pratiques autant que les décisions éducatives : inclusion scolaire ou logique d’excellence, égalitarisme formel ou « discrimination positive », laïcité ouverte ou unité républicaine, école pour tous ou méritocratie, autonomie des équipes et des établissements ou universalisme du service public… Ces conflits, divers et tous essentiels, appellent alors à examiner dans son ensemble une éthique scolaire aujourd’hui menacée par autant d’incohérences factuelles, autant de dilemmes qui ne se disent pas au grand jour. Ils invitent enfin à construire une nouvelle théorie du contrat éducatif susceptible de les comprendre et de les dépasser. »(Jean-Christophe Torres)

 

Quels sont les enjeux des techniques numériques dans l’éducation ?

 

Les techniques numériques peuvent apporter des outils de communication, d’échanges, de visualisation, de réalité virtuelle, elles permettent d’accéder à tout contenu, à partager des projets, à co-construire des apprentissages…à écrire, à lire, à créer, à produire, à s’enregistrer à avoir accès à des contenus authentiques pour les langues vivantes par exemple, à jouer à des jeux vidéo…Elles permettent la classe inversée, la twictée, les maths en réseaux, elles développent l’autonomie, changent l’évaluation… L’Intelligence Artificielle peut permettre de personnaliser les approches, d’individualiser…

 

Le numérique apparaît désormais comme un environnement et non comme addition d'outils. Les outils n’apprendront rien de la culture numérique, des données et de leur utilisation, des comportements nouveaux qui se développent par l’usage de ces outils et techniques. Ces outils ont engendré des formes nouvelles de s’informer, de faire, de penser, d’apprendre et d’être en relation avec les autres.

Les pratiques changent. C'est une nouvelle façon d'être en société. (Jean-François Cerisier) " La culture numérique c'est notre culture. Elle n'est que notre culture à tous, celle d'ici et maintenant, telle qu’elle a évolué avec la disponibilité permanente des techniques numériques. "

L'éducation aux médias et à l'information s'inscrit donc désormais pleinement dans les défis du numérique. L’esprit critique est ou doit être enseigné de la maternelle jusqu’à l’université…Créer, collaborer, coopérer, chercher… sont les fondements de l’utilisation raisonnée du numérique.(Jean-Marc Merriaux)

Mettre en débat permanent l’utilisation des téléphones portables, les temps passés devant les écrans, ne modifie en rien les comportements…Être citoyen à l'ère de la mise en données numériques des sociétés, signifie réaliser un parcours allant des données aux informations, des informations au savoir, du savoir à la culture... Le rôle de l'école est de donner du sens, de prendre de la distance en travaillant sur la longue durée.

Ainsi par exemple la découverte du potentiel du smartphone en classe permet le travail en groupe, le questionnement des bonnes pratiques et de l'étiquette numérique. Les élèves peuvent alors être amenés à poster sur les chaines twitter, YouTube ou Instagram du collège en fonction des travaux demandés par les professeurs.

Droits à l'image, composition et mise en scène, sens du message, adéquation au format.... Tout en pratiquant, l'enseignant éduque au bon usage.

 

Il est indispensable que les données soient protégées, car ce sont des données personnelles :  identité numérique, performance scolaire, sécurité… Une stricte observation des règles éthiques dans le traitement de ces données est attendue de la part de l’institution scolaire, notamment par la mise en œuvre du RGPD (Règlement général sur la protection des données). Il est désormais évident que ces données sont une source inépuisable de profits pour l’économie et qu’il y a donc matière à précautions afin d’éviter leur marchandisation via des éditeurs, des entreprises de services numériques, des moteurs de recherches ou des plateformes d’échanges. L’éducation ne saurait être au service de l’économie numérique même si elle doit prendre en compte cette dimension.

 

La politique éducative doit pouvoir être mise en œuvre uniformément et gratuitement pour l’usager dans l’univers scolaire afin que personne ne soit laissé sur le bord du chemin en raison d’un accès inégal aux réseaux ou à une culture numérique insuffisante.

Dans ce domaine, les collectivités territoriales sont questionnées aux côtés des chefs d’établissements et des enseignants, car au quotidien la conduite d’une éducation numérique se heurte à de nombreuses difficultés matérielles et organisationnelles.

A supposer que soient résolues toutes les questions liées à la mise en œuvre technique d’une pédagogie par et au numérique - ce qui est loin d’être le cas dans tous les territoires - nous devons nous interroger sur la nature de l’éducation que nous voulons proposer aux élèves et à leurs familles. Pratiquer une certaine sobriété numérique apparait aujourd'hui tout aussi essentiel...une diététique numérique...une diététique informationnelle...(en référence à Joël De Rosnay)

 

Les pratiques informationnelles, l'ouverture des données, l'Intelligence Augmentée imposent une éthique.

 

Le numérique éducatif éthique et responsable, c’est avant tout une référence à des valeurs.

 

C’est toujours et encore, en toile de fond, avec les valeurs d’égalité de liberté et de fraternité dans un monde désormais connecté qu’il convient de réinventer le monde éducatif. Recréer la confiance numérique, impliquer les parents, tous les acteurs éducatifs, éviter les discours anxiogènes et rechercher les équilibres, ne pas négliger le vecteur des jeunes eux-mêmes.  Co construire des approches éducatives nouvelles avec tous les acteurs en responsabilité. Avoir enfin une conscience culturelle, politique et éthique de la société que nous voulons et vivre ensemble dans le cadre d'une humanité élargie...

 

Tous nos vœux pour 2020 !

Michelle Laurissergues

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