Le smartphone et la triche

A quelques jours du baccalauréat, le ministère de l'Education nationale a publié une circulaire destinée à lutter contre la hausse des fraudes aux examens et concours, devenues plus faciles grâce à la généralisation des «smartphones» chez les jeunes.

 

«Il y a une hausse des fraudes liées à l'usage des téléphones portables: 32 cas de plus au baccalauréat général et technologique en 2009 par rapport à 2008», a indiqué à l'AFP Jean-Michel Blanquer, directeur général de l'enseignement scolaire.

 

"L'utilisation des téléphones portables et, plus largement, de tout appareil permettant des échanges ou la consultation d'informations, est interdite», indique la circulaire du ministère datée du 26 mai, en pleine période d'examens et de concours".

 

Personne en fait, ne s’interroge publiquement sur les raisons de ces pratiques.

 

On déplore, on déploie la liste des sanctions, on avertit, on condamne. Elles sont condamnables dans le cadre d’une évaluation conçue dans un système de valeurs cohérent.

C’est en effet inadmissible puisque cela permet l’instauration d’une inégalité entre compétiteurs. Nous sommes d’accord.

 

Et si ces pratiques découlaient aussi d’une autre vision des savoirs et des restitutions de savoirs ?

 

Aujourd’hui les savoirs et les informations sont disponibles partout sur la Toile. Il semble donc inutile de les mémoriser d’autant que le nombre est exponentiel. Les pratiques sont d’ailleurs encouragées en classe en ce qui concerne la recherche d’informations et sont complètement intégrés dans les pratiques sociales des jeunes.

 

Alors à quoi devrions- nous être plus attentifs ?

A l’éducation aux médias qui est une part primordiale de l’éducation d’aujourd’hui.

 

Aux apprentissages qui démontrent l’assimilation d ‘informations dans le cadre d’une démonstration personnelle, donc esprit critique, argumentation, expression orale et écrite, esprit de synthèse.

 

Le smartphone comme « prêt à penser » non, le smartphone comme un outil utile à la recherche d’infos qui sont de toute manière disponible…Une piste envisageable ?

 

Favoriser le raisonnement, la réflexion des candidats, les compétences en quelque sorte plutôt que la restitution brute de connaissances.

 

C’est aussi une piste explorée au Danemark où l’on teste l’accès au Web lors des évaluations:

« L’expérience pilote menée au Danemark dans 14 lycées (Article Ecrans-Libération, 6/11/2009) pourrait faire rêver n’importe quel élève français. Depuis la rentrée, ces lycéens, en classe de terminale, peuvent accéder à Internet pendant leurs examens. Pour le gouvernement danois, cette mesure s’inscrit dans la logique de l’évolution de leur système éducatif. Depuis une dizaine d’années déjà, les élèves de ce pays ont troqué le stylo pour la souris et peuvent répondre à certains devoirs directement sur ordinateur.

Pour Sanne Yde Schmidt, qui mène l’opération au sein du lycée Greve situé au sud de Copenhague, il s’agit d’être en phase avec la société d’aujourd’hui : « Si nous voulons être une école moderne et apprendre aux élèves des choses pertinentes pour leur vie, nous avons à leur expliquer comment utiliser Internet » explique-t-elle à la BBC. Même son de cloche pour le ministre de l’Education, Bertel Haarder, qui ajoute, peut-être un peu trop enthousiaste : « Internet est indispensable, y compris lors d’un examen. Je suis sûr que ce n’est qu’une question de quelques années pour que la plupart des pays européens soient sur la même longueur d’onde. »

 

Si cette mesure réjouit les concernés, elle pose en revanche la question sous-jacente et inévitable de la triche. Bien qu’il leur soit interdit de discuter entre eux, comment éviter que les élèves ne se copient les uns sur les autres ou qu’ils fassent appel à un tiers pour résoudre leurs exercices ? La confiance répond Sanne Yde Schmidt. « La principale précaution, c’est qu’on leur fait confiance. Je pense que le taux de triche est très bas parce que les conséquences d’un tel acte sont très importantes. » Dans le cas où un élève est pris sur le fait, il risque l’exclusion ».

 

Alors, sommes-nous prêts à revoir la copie?

 

Michelle Laurissergues